Sondogo : la route qui se nourrit de sang et de larmes
De nombreux risques d'accidents encourus par les usagers de cette route la mort (Ph. Studio Yafa)

Sondogo : la route qui se nourrit de sang et de larmes

Voie étroite. Absence de panneaux de signalisation. Excès de vitesse des usagers. De nombreux paramètres font que la circulation est un calvaire sur la principale route de Sondogo, qui relie Pissy à Boassa, des quartiers situés dans la périphérie ouest de Ouagadougou. Pire, cette route est en train de se construire une réputation de route de la mort.

Une route bondée de monde ! Dans les deux sens, des usagers vont et viennent en voiture, en cyclomoteur, en bicyclette ou en tricycle, obligeant certains à quitter, par endroits, le goudron pour aller plus vite, perturbant la circulation. Une vraie foire d’empoigne. Personne ne cède le passage à l’autre. Et pour ne rien arranger, des commerçants sont installés de part et d’autre de la voie. Des étals de chaussures, de sacs, de condiments, de fruits, de portables, d’habits, d’herbes et de son de céréales pour bétail, de maïs grillé… sont le long de la voie à gauche comme à droite, en attendant de potentiels clients.

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Il y a également ces voitures garées par des usagers qui font certainement les boutiques, et qui réduisent l’espace de la route. Au constat, le dernier feu tricolore est au rond-point en venant de Pissy. Impossible de faire demi-tour sur cette voie à certaines heures, comme aux environs de 17h le 13 septembre 2023. Il faut sortir du goudron pour faire demi-tour, et personne ne laisse le chemin par à l’autre même par courtoisie. Tout le monde semble pressé, le tout dans le bruit des moteurs qui se mêlent aux klaxons. Un véritable panier de crabes.

Sortir et rentrer vivant à Sondogo

Pour les habitants de Sondogo, un quartier situé dans la périphérie ouest de Ouagadougou, sortir et rentrer vivant est un défi quotidien. Ils doivent affronter une circulation infernale sur l’axe qui relie Pissy à Boassa, en passant par Sondogo, des quartiers qui relèvent de l’Arrondissement 7 de la capitale. Face aux nombreux accidents mortels qui se produisent sur cette route, ils ont exprimé leur colère le 30 août 2023, en érigeant des barrages à l’aide de pneus et de troncs d’arbres. Ils ont ainsi interpellé les autorités sur la situation de cette route de la mort.

Les populations invoquent différentes raisons pour expliquer ces accidents répétitifs. Certains font même appel à la superstition pour justifier les drames qui se déroulent sur cet axe routier.

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Cyril Kabré, habitant de Sondogo et usager de la death road de Sondogo, pense que la première cause des accidents sur cette voie l’étroitesse de la route. Il nous apprend aussi qu’en allant vers le quartier Boassa, il n’y a pas d’éclairage public la nuit. Cyril ajoute une cause irrationnelle aux accidents sur la route de Sondogo : « Il y a des trucs coutumiers aussi. On ne peut pas nier. Ça existe ».

La thèse du génie des accidents

Cyril Kontiébo partage plus qu’un prénom avec Cyril Kabré. Il est aussi habitant et usager de la voie de Sondogo, et résident du même quartier. Ils ont également le même point de vue sur les causes des accidents sur la « route de la mort ».

Le deuxième Cyril, comme le premier, estime que la voie est « un peu coincée, et qu’il n’y a pas d’espace pour les dépassements ». Cyril Kontiébo explique aussi que les endroits où il y a beaucoup d’accidents sont ceux où les gens garent les véhicules au bord des voies. Il identifie aussi le pont de Sondogo comme un lieu accidentogène.

La thèse mystique revient encore de façon subtile : « On a vu le chef de Sondogo par rapport à cela et il a promis avec ses notables de faire des sacrifices pour demander aux ancêtres de nous aider afin que les populations puissent vraiment circuler en paix ». Cyril n’ignore pas l’excès de vitesse sur cette route, parmi les causes d’accidents : « Des fois, les gens roulent trop vite. Avec cette vitesse, alors que la voie est un peu serrée, cela peut provoquer des accidents ».

La nécessité de mettre des ralentisseurs, panneaux…

André Kontiébo, 41 ans, qui est né et a grandi à Sondogo, dit constater une recrudescence des accidents, avec un pic depuis que la voie a été bitumée. Selon lui, c’est la vitesse qui est en cause, expliquant que « quand on est en pleine vitesse, c’est difficile de freiner quand quelqu’un surgit par surprise ».

Le chef traditionnel de Sondogo, Naaba San Naaba Lagambzèlma, tout en reconnaissant que le sujet doit être abordé sous l’angle traditionnel et aussi du côté de l’Administration publique, affirme que les multiples et fréquents accidents sur la death road de Sondogo ne sont pas dus à un interdit ou à l’action d’un génie. Même s’il envisage tout de même « de faire des sacrifices », il invite les usagers à éviter la vitesse en circulation. Il appelle aussi les autorités à réaliser des ralentisseurs, des panneaux de signalisation…

Boureima Dembélé