Des hommes qui défient les stéréotypes dans les métiers de la beauté
Kader Kiemdé dit faire fi des messages désobligeants pour vivre sa passion

Des hommes qui défient les stéréotypes dans les métiers de la beauté

Ils sont tresseurs et vendeurs de « baya ». Des métiers longtemps considérés comme féminins, mais qu’ils ont choisi d’exercer avec passion et talent. Dans un pays où les normes sociales sont encore fortes, ces hommes font face aux regards méprisants et aux moqueries. Mais ils ne se découragent pas et affirment leur place dans un univers où les femmes sont majoritaires.

Kader Kiemdé est coiffeur professionnel pour femmes installé au quartier Goughin de Ouagadougou. Ce jour-là où nous le rencontrons, il est occupé à défriser les cheveux de Samira Ouédraogo, une de ses fidèles clientes. Le jeune homme manie le peigne et le fer avec dextérité et précision. Il ne laisse rien au hasard. « Chaque geste compte », dit-il en souriant.

Kader Kiemdé en pleine activité

Avec sourire, il poursuit son œuvre avec délicatesse avant de laisser sa cliente se mirer. Samira est ravie du résultat. Elle apprécie le travail de Kader, qu’elle trouve plus soigné et plus créatif que celui d’autres coiffeuses. « Les hommes ont une touche particulière qui me séduit. Quand je viens ici, je veux que ce soit Kader qui me coiffe », confie-t-elle.

Ne jamais baisser les bras

Kader n’a pas toujours été coiffeur. Le jeune homme a d’abord vendu des téléphones portables, pratiqué la soudure avant de se former. Il a acquis de l’expérience au gré de ses voyages au Ghana, en Côte d’Ivoire et au Togo. Mais il a toujours été attiré par la coiffure. Convaincu qu’aucun métier n’est fait pour les femmes ou les hommes, il se lance dans l’aventure.

Mais il reconnaît que la réalité est souvent différente. Il a dû faire au rejet. « J’étais rejeté par les amis. Souvent, je vois des jeunes assis en train de boire leur thé, j’arrive pour les saluer, ils m’ignorent. D’autres refusent de me saluer parce que j’étais entouré de femmes. D’autres se moquent de moi, je passe, on m’insulte », se souvient-il.

Mais Kader n’a jamais baissé les bras. Il a continué à travailler dur, à se perfectionner, à innover. Sa persévérance a fini par payer. Kader a su se faire une clientèle fidèle et diversifiée. Sa renommée a dépassé les frontières puisqu’il coiffe des stars africaines, comme l’actrice et femme d’affaires Emma Lohoues.

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Le talent de Kader est aussi reconnu par ses pairs. C’est le cas de Aïcha Tarnagda qui tient un salon à côté du sien. « On fait le même travail. Mais souvent il a des modèles que je n’ai pas, moi aussi j’ai des modèles qu’il n’a pas. Donc en fonction de ça, on s’entraide », explique-t-elle. Elle admire le courage de Kader, qui a su braver les préjugés. « Sinon ce que je peux dire, c’est qu’il est courageux. Parce que garçon qui fait ça, même moi-même je sais que ce n’est pas facile », analyse-t-elle.

Kader n’est pas le seul à avoir osé défier les stéréotypes. Daouda Sawadogo est vendeur de baya, des perles que les femmes portent autour de la taille comme moyen de séduction. Il a un stand au marché de Rood Wooko, en plein centre-ville. Titulaire d’un baccalauréat, il n’a pas trouvé d’emploi avec son diplôme. Il a donc décidé de se lancer dans le commerce des baya.

Une activité qu’il a apprise auprès de sa mère. Il doit aussi supporter les remarques désobligeantes, les sarcasmes, les injures. « Moi, je ne me gêne pas pour ce genre de choses. Tu me dis que c’est une activité de femmes, je souris et je passe parce que je sais que je vais gagner ma vie », répond-t-il tout serein.

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Daouda a appris à connaître les différentes variétés, les couleurs, les significations. Il conseille ses clientes avec gentillesse et professionnalisme. Daouda a su fidéliser sa clientèle, qui apprécie sa discrétion et sa compétence. Edith Zerbo est une habituée de son stand.

Elle avoue qu’au début, elle était gênée d’acheter des baya avec un homme. Mais elle a fini par s’y habituer. « Souvent il y avait de la honte. Mais à l’heure-là, il n’y a plus de honte. Et puis, quand tu vois sa façon de faire, tu te sens à l’aise. Il est respectueux, il ne te juge pas, il te donne des conseils », témoigne-t-elle.

Kader et Daouda sont des exemples de ces hommes qui ont choisi de faire des métiers de la beauté, malgré les obstacles et les critiques. Ils sont fiers de leurs métiers qu’ils considèrent comme un art.

Ismaël Drabo

Stagiaire