CAN 2023: Laetitia Gomina, l’amazone burkinabè de la photographie qui capture l’âme de la CAN
Laetitia Gomina, photographe dans un stade, janvier 2024, photo, Pouiré Photographie

CAN 2023: Laetitia Gomina, l’amazone burkinabè de la photographie qui capture l’âme de la CAN

Elle est l’une des rares femmes photographes présentes sur les stades de la Coupe d’Afrique des nations 2023, qui se déroule en Côte d’Ivoire. Laetitia Gomina, a décidé de vivre sa passion pour la photographie en immortalisant les moments forts des matchs de football. Malgré les difficultés, elle trouve sa place dans un milieu dominé par les hommes.

Aux abords de la pelouse du Stade Charles Konan Banny de Yamoussoukro, un gros appareil photo dans les bras, habillée d’une chasuble bleue de photographe accrédité de la CAF, une jeune fille, la vingtaine, se fait remarquer depuis les tribunes. Il s’agit de Laetitia Gomina, jeune photographe burkinabè. Toute concentrée et bien à l’affut, elle ne rate aucune action sur le terrain. C’est ainsi sur les différents terrains de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2023 en Côte d’Ivoire.

Dango Ouattara (blanc) face à un joueur angolais à Yamoussoukro, CAN 2023. Photo prise par Laetitia Gomina

L’œil dans le viseur de son appareil photo, elle immortalise les meilleures actions de jeu sur le terrain. Plus connue par le nom de son Amazone photographie, Laetitia participe à sa première CAN qui se tient cette fois en Côte d’Ivoire. Une découverte pour la jeune photographe.  « C’est vraiment passionnant de se retrouver là à faire ces captures », affirme celle qui découvre la photographie de sport.

Une passion d’enfance

En effet, Laetitia Gomina est passionnée de la photographie depuis son enfance. La jeune photographe se souvient que petite, son père avait un appareil photo qu’elle manipulait de temps en temps. Fascinée par l’objectif, elle s’inscrit en communication et journalisme après l’obtention de son bac où elle reçoit quelques cours de techniques de prise de vue. Mais ce n’est pas suffisant. A la fin de ses études, la jeune fille se lance dans des stages tout en espérant obtenir un emploi rémunéré à la fin. Mais rien !

Alors, elle se tourne vers sa première passion, la photographie. « Au Burkina, il n’y a pas une école spécialisée dans la photographie. Ce qui fait que j’ai appris sur le tas et j’ai été coachée par des devanciers », raconte-t-elle. A partir de là, la jeune fille se trace son chemin et crée Amazone Photographie qui lui permet d’exercer sa passion.

Puis, arrive la CAN 2023. Des photographes l’encouragent à faire une demande d’accréditation. Ce qu’elle fait. Elle est acceptée par la Confédération africaine de football (CAF). Elle n’a aucun sponsor pour effectuer le voyage. Déterminée, elle vide ses économies, fait ses bagages et prend la route d’Abidjan où a lieu la cérémonie d’ouverture de la CAN.

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« Je suis venue à mes propres frais. Ce n’était pas facile. Je crois qu’à partir du deuxième match, je tenais plus le coup. Je voulais abandonner. Mais voilà, on tient, je suis toujours là », raconte-t-elle le sourire aux lèvres. Car, couvrir une compétition comme la Coupe d’Afrique n’est pas aisé. Cela nécessite des courses autour des pelouses, des bousculades mais aussi entre les stades pour avoir les meilleures images. Des voyages et des courses éreintantes.

Mais, Laetitia ne regrette pas sa participation à la CAN 2023. Elle découvre un univers différent. « C’est la recherche de l’expérience qui m’a amenée ici. La photographie de sport, c’est différent parce qu’il y a beaucoup de paramètres qui entrent en ligne de compte. Il y a le matériel qu’on utilise d’habitude qu’on ne peut pas utiliser ici », fait-elle savoir.

Photo de supporters burkinabè depuis les tribunes du stade de Yamoussoukro, photo prise par Laetitia Gomina.

Pour cela, elle a dû faire des sacrifices pour vivre cette expérience et continuer cette découverte. « Il me fallait louer d’autres appareils avec d’autres personnes à des coûts pas vraiment aisés pour moi. Ce qui fait que je n’arrive pas à couvrir beaucoup de matchs. Ce qui fait que j’ai choisi les matchs du Burkina Faso pour mes couvertures », explique-t-elle. Le matériel n’est pas toujours adapté aux conditions climatiques avec des rencontres qui se disputent parfois sous la chaleur à presque 30 degrés. Ce qui n’est pas aisé pour elle, habituée à travailler plus en studio ou des cadres plus appropriés.

Une femme dans un milieu d’hommes

Laetitia est l’une des rares jeunes filles présentes à ce tournoi. Dans un milieu dominé par les hommes, il n’est pas toujours aisé de s’imposer.  Mais loin de là, la novice n’a eu aucune difficulté à s’intégrer. Les autres, des hommes pour la plupart, l’ont accompagnée et guidée. Ce qui lui a permis d’exprimer son potentiel et aiguiser son appétit pour la photographie sportive. « Dans cette CAN, j’ai beaucoup appris de mes frères burkinabè, auprès des photographes d’autres pays. Je ne connaissais rien dans la photographie sportive. J’ai envie de m’engager dans la photographie sportive parce que c’est très passionnant. Il faut vivre pour comprendre », confie-t-elle.

La jeune fille attire aussi l’admiration de certains collègues masculins, qui reconnaissent son talent et son courage. Nachir Useen, un autre photographe également présent à la CAN, donne son avis : « Sa participation à la CAN casse un peu le mythe de photographe quand on sait que c’est un métier qui est pratiqué essentiellement par des hommes. Sa participation est aussi une promotion des photographes du pays et du genre en même temps », estime-t-il. Il est l’un des conseillers de Laetitia.

Elle n’est pas la seule à pratiquer la photographie sportive. Cependant, elle espère que son parcours inspirera d’autres jeunes filles à se lancer dans la photographie sportive. Cette expérience lui a permis de nourrir de nouvelles ambitions. Il s’agit de participer à des évènements sportifs internationaux comme la Coupe du monde, les Jeux olympiques. Elle veut aussi être une référence dans la photographie sportive au Burkina Faso.

Boukari Ouédraogo

Envoyé spécial