A Ouagadougou, sortir avec plusieurs partenaires est aujourd’hui monnaie courante et tend à devenir un effet de mode chez les jeunes. Jeune fille ou garçon, chacun multiplie ses partenaires selon ses raisons personnelles ou son vécu. Une pratique aux multiples conséquences.

11h38 à l’Université Joseph KI-ZERBO. Alors que les amphithéâtres se vident peu à peu, nous braquons notre caméra et activons notre dictaphone à quelque 50 mètres de la librairie centrale. Devant ce grand carrefour incontournable pour les dizaines d’étudiants qui se dirigent vers le restaurant universitaire (RU) pour le déjeuner, une question au menu des échanges : « Qu’est-ce qui reste de la fidélité chez les jeunes ? ». Le sujet passionne, mais chacun se réserve de se prononcer en premier comme ce groupe d’étudiantes que nous avons accostés.

Écouter: L’infidélité, la rongeuse de relations

Les filles sont hésitantes. Mais à la question de savoir pourquoi l’infidélité gagne de plus en plus de terrain chez les jeunes, l’une d’elles éclate de rires et entraîne les autres avec elle. « Ha très intéressant. Infidélité, vous-mêmes vous savez que ce sont les hommes » dit Marietou, étudiante en 1^re année d’études en sociologie et membre du groupe.

Isaac, lui, assume bien son infidélité avec juste raison. Elancé, coiffure deux tons avec un jean blessé, le jeune homme est emballé par le sujet. « C’est difficile d’être fidèle aujourd’hui. Très difficile surtout quand tu es homme. Chaque jour on voit de jolies filles et on est tenté » affirme le jeune homme.  

L’infidélité chez les jeunes garçons

Mahamadi Dabo entretient une relation sérieuse avec une fille depuis plus d’un an qu’il considère comme sa fiancée. Dans le même temps, il entretient d’autres relations avec deux autres filles. Une situation qu’il trouve normale car cela relève même de la nature de l’homme. « Quand tu montres trop d’amour à une fille, on te fait souffrir donc si tu cherches plusieurs filles, cela te permet d’équilibrer les sentiments voire les contrôler » s’est-il expliqué.

Damien Yaméogo est dans la même situation que Mahamadi avec en tout deux filles. Il assume son infidélité et le reconnaît en tant que moyen d’affirmation et domination. « En tant qu’homme, on doit avoir plusieurs filles et tu peux te vanter de cela parmi tes amis, faire le malin et celle qui déconne, tu la laisses » s’explique-t-il.  

Même son de cloche pour le jeune commerçant Issouf qui dit avoir d’autres petites amies en dehors de celle qu’elle considère comme sa  »titulaire ». « Quand tu es très actif sexuellement et tu rencontres une fille qui n’aime pas le sexe, c’est compliqué. Forcément tu vas voir ailleurs » s’est-t-il justifié.

L’infidélité chez les jeunes filles

Tout comme chez les garçons, les filles tentent également de justifier leur infidélité. Parmi les raisons avancées, le matériel n’est pas en reste. « Imagine si tu es avec un jeune qui t’aime. Il n’a que ses sentiments alors qu’un autre propose et l’amour et l’entretien. Forcément tu vas céder parce que chaque fille a ses réalités sociales. Tu vas tromper ton homme, mais tu ne le quitteras pas », explique Céline Bouda, élève dans un lycée privé de Ouagadougou.

Marguerite, nom d’emprunt est assistante de direction bilingue dans un service à Ouaga. Engagée dans une relation à distance depuis trois ans, elle n’arrive pas à toujours contrôler ses envies.

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De ce fait, elle s’est trouvée de nouveaux petits amis pour combler ses désirs. « Mon chéri travaille dans une zone rouge et il vient très rarement. Quand tu as parfois des envies fortes, c’est obligé de penser à un plan B » confie-t-elle.

Une autre raison qui pourrait justifier l’infidélité chez les filles, c’est la tentation d’après Mounira. Difficile parfois de tenir malgré les engagements pris. « En tant que jolie fille, vous pouvez avoir 10 mecs derrière vous et des fois chaque jour y a un dragueur et y en a, tu ne sais pas comment ils font, mais tu finis par tomber amoureuse parce qu’ils ont ce petit truc que ton homme n’a pas, soit son physique, son style… » dit la jeune fille.

Comprendre le phénomène de l’infidélité

De façon simple, le sociologue Dr Patrice Kouraogo définit l’infidélité comme « l’incapacité de mériter une certaine confiance qu’on a placée en vous. C’est-à-dire, quelqu’un vous fait confiance, mais vous ne travaillez pas à ce que cette confiance soit renforcée » a-t-il expliqué. Selon le sociologue, trois raisons peuvent expliquer l’infidélité des jeunes. « Premièrement, c’est la faillite de l’éducation sociale. On n’éduque pas très généralement nos jeunes à bâtir des relations avec les autres dans un certain nombre de respect des principes ».

Dans le même sens poursuit le sociologue, les expériences vécues par les autres qui sont des expériences peu enviables peuvent entraîner la fidélité.

En troisième élément, la détérioration générale des mœurs et des valeurs sociales contribue énormément à l’infidélité dans nos sociétés car « les gens raisonnent matériel, intérêt, profit ». Trahir ses engagements envers une personne peut avoir des conséquences sur cette dernière pouvant même conduire de grandes déceptions et donc la méfiance. Pour construire une relation solide, « elle doit être basée sur la réalité et nourrir l’ambition de construire ensemble pour qu’au final, ça puisse accoucher d’un amour qui va conduire au mariage » conseille le sociologue.

Fayshal Ouédraogo