Football féminin : Pascal Sawadogo, le formateur, le père et le bon samaritain©Studio Yafa
Grâce à sa passion, Pascal Sawadogo a qualifié l'équipe féminine du Burkina à sa première CAN

Football féminin : Pascal Sawadogo, le formateur, le père et le bon samaritain

Sélectionneur de l’équipe nationale féminine de football du Burkina Faso, Pascal Sawadogo est avant tout, un formateur. Depuis une dizaine d’années, l’homme ne compte pas ses dépenses lorsqu’il s’agit de football féminin. Il n’est pas qu’un seul entraîneur de football car pour lui, il ne faut pas dissocier football et vie sociale. 

Sur le terrain poussiéreux du lycée apostolique de Tanghin, les cris des jeunes filles résonnent entre deux passes. Alors que le soleil décliné progressivement, Pascal Sawadogo observe, bras croisés, un léger sourire au coin des lèvres mais le visage parfois sévère. Il donne des instructions, crie sur une fille, recadre une autre. Sélectionneur de l’équipe nationale féminine du Burkina Faso, il reste avant tout un formateur passionné. Pascal Sawafogo a fait du football féminin son combat de vie.

Depuis plus de dix ans, cet enseignant d’éducation physique et sportive (EPS) investit ses économies et son temps dans le développement du football féminin. Pour lui, le ballon rond ne se limite pas au sport. Il est un outil d’éducation.

« Plus passionné de football féminin que Pascal Sawadogo, tu meurs », disent souvent ceux qui le côtoient. Et pour cause, voilà une vingtaine d’années qu’il façonne de jeunes talents au quartier Tanghin. Dans la cour du lycée apostolique, il a aménagé un petit centre de formation. Chaque soir, une vingtaine de filles s’entraînent sous son regard attentif.

Un centre né de débrouillardise et de conviction

Après la séance d’entraînement, Pascal nous conduit dans ce qu’il appelle fièrement « son quartier général ». Il s’agit de deux salles de classes prêtées par l’administration du lycée. Dans la première, une étagère croule sous une vingtaine de trophées étincelants dont certains sont tout poussiéreux. Des ballons, des maillots et du matériel usé par les années s’entassent çà et là. Dans l’autre salle, quelques matelas alignés rappellent que certaines de ses joueuses y dorment les veilles de match.

« Nous préférons les garder ici pour avoir un œil sur elles », explique-t-il, le ton empreint de fierté. C’est là qu’il héberge les filles avant chaque rencontre de championnat. Pour Pascal, la concentration est primordiale après toute rencontre. Faute de moyens, l’équipe fonctionne en externat, mais le dévouement du coach compense largement le manque d’infrastructures.

C’est dans ces modestes conditions qu’est née l’Association sportive des Étincelles de Ouagadougou, son club de cœur. Pascal Sawadogo âgé de 43 ans, en est le fondateur et le père spirituel.

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Rien ne prédestinait pourtant cet enseignant à devenir le visage du football féminin burkinabè. Tout commence lorsqu’une ONG, engagée dans la lutte contre le VIH/Sida, décide de lier sport et sensibilisation. Par hasard, ses membres croisent la route de Pascal. Le projet l’emballe aussitôt.

Il engage alors son équipe du lycée dans un tournoi où le score sur le terrain comptait autant que la pertinence des réponses données lors de quiz sur le VIH. « Une équipe pouvait perdre sur le terrain, mais gagner grâce aux questions-réponses », se souvient-il, amusé. A la fin du projet, la flamme ne s’éteint pas. Pascal poursuit seul la formation des jeunes filles, convaincu que le football peut être un moteur de changement.

Un formateur méthodique

Un tournoi de jeunes, Airtel Jeunes talents est organisé par une compagnie de téléphonie mobile pour promouvoir le football à la base. Pascal Sawadogo engage ses équipes à ces compétitions. « A travers cette compétition, j’ai compris qu’on pouvait faire quelque chose de grand dans le football féminin». Pascal Sawadogo, participe aux compétitions de l’Union des sports scolaires et universitaires (USSU-BF). Mais, l’enseignant titulaire d’une licence en sociologie et d’un master en géographie fait un constat : le football féminin est à la traine. Il laisse tomber la section garçons et lance celle des filles en créant l’Association des Etincelles de Ouagadougou.

« Il y avait de l’engouement mais un peu partout, on trouve des garçons qui jouent au football. J’ai donc décidé d’offrir un cadre aux filles », témoigne Pascal. Bien avant, il est sollicité par l’Union sportive de Ouagadougou (USO) pour renforcer le staff féminin de l’équipe. Ses joueuses sont sollicités. Mais, la collaboration tourne court. Partant de cette expérience, il décide de fonder sa propre équipe.

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En collaboration avec les autorités de son établissement, il obtient un accompagnement pour la mise en place de son équipe. La détection des joueuses se fait à partir de la classe de sixième. « Pour les jeunes filles, il faut commencer tôt pour pouvoir modeler le corps, leur apprendre les techniques de base sinon après, c’est compliqué », explique-t-il. Les frais de scolarité, la cantine des élèves sont subventionnés par l’administration et lui. Son équipe les Étincelles est la seule du Burkina Faso qui dispose de toutes les catégories de joueuses. C’est pratiquement un laboratoire pour les filles. Débordé, il confie certaines joueuses à des encadreurs d’autres clubs dans des quartiers plus proches.

Pascal Sawadogo est considéré comme un bon samaritain. L’homme n’hésite pas souvent à mettre la main à la poche pour offrir des vélos, des fournitures scolaires à ses joueuses. Tout cela sur fond propre. « A cause du football, ce monsieur n’a même pas un bon frigo chez lui », susurre un collaborateur. « Il y a eu des moments, pour jouer les matchs, je fais plusieurs aller-retour entre le terrain et l’école pour transporter les filles sur ma moto », assume-t-il.

Une passion sans limite

Pour lui, il n’y a pas de limites à assumer sa passion. Les filles bénéficient d’éducation sexuelle et de formations sur le planning familial. Pour Pascal, un entraîneur de football féminin au Burkina Faso ne peut pas occulter le volet social. C’est pourquoi, il s’implique au sein de certaines familles de ses joueuses pour régler des problèmes sociaux. Mieux, celles qui ont de bons résultats scolaires sont récompensés de sa propre poche. Une manière pour lui de faire comprendre que le football et les études vont de paire.

Kabré Noamie Adèle, milieu de terrain en équipe nationale, est repérée par Pascal Sawadogo alors qu’elle était en classe de 4e et jouait au football avec de jeunes filles. La relation entre elle et son entraîneur est celle entre un père et sa fille. « Hors du football, il aide ses joueuses dans la vie sociale. Il prend en charge nos frais de scolarités et côté familial, il vient souvent résoudre des problèmes dans nos familles », concède la jeune fille, élue deux fois meilleure joueuse du championnat burkinabè.

Un entraîneur apprécié

Une autre joueuse, Jacqueline Sédogo, également sélectionnée en équipe nationale est milieu défensive. Au début, ses parents ne souhaitaient pas la voir fouler un terrain de football. Pascal Sawadogo s’est personnellement impliqué pour les convaincre. « Comme j’aimais le football, je me cachais pour aller jouer. Comme le coach a vu que j’étais passionné. Il est venu voir la famille, il a posé des conditions et la famille a accepté. Aujourd’hui, je joue au football sans soucis et mes parents sont fiers », affirme toute admirative Jacqueline Sédogo. Pascal Sawadogo passe un nouveau cap en 2021.

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Après l’élection de Lazare Banssé, comme nouveau président de la Fédération burkinabè de football (FBF) celui-ci est à la recherche d’un nouveau sélectionneur pour l’équipe nationale féminine. Il pense à Pascal Sawadogo dont les qualités humaines ont été vantées. Problème. Au sein du bureau exécutif, certains s’opposent au choix de Pascal Sawadogo qui, dit-on, n’a pas soutenu Lazare Banssé à la tête de la FBF. Ce dernier maintient son choix sur l’homme.

A son arrivée à la tête de l’équipe nationale féminine, celle-ci venait d’échouer à trois qualifications successives à la CAN féminine. Avec Pascal Sawadogo, les Étalons dames arrachent leur première qualification. « Il n’y a pas eu de secret. C’était seulement la motivation. J’ai dit aux filles qu’on ne devait pas rater la qualification. Je me suis assuré que les filles s’entraînaient vraiment en club. Ensuite, j’ai demandé à ce qu’on relance le championnat très rapidement pour que les filles puissent avoir de la compétition parce que je savais qu’on avait le niveau pour se qualifier », indique Pascal Sawadogo qui rêvait déjà d’entraîner l’équipe nationale féminine.

Un rêve de Coupe du monde

Pascal Sawadogo ne met pas du temps et accomplie la mission qui lui est assignée. L’équipe nationale du Burkina Faso élimine celle du Bénin et de la Guinée Bissau pour arracher sa première qualification qu’elle recherchait depuis 2014.

Les collaborateurs de Pascal Sawadogo sont aussi admiratifs de sa passion et sa rigueur. Aminata Cissoko, ancienne footballeuse et préparatrice de l’équipe nationale est aussi élogieuse : « C’est un homme qui est passionné. Il aime la chose. Il éduque les filles. Il traite les filles comme ses enfants. Et elles l’écoutent vraiment. C’est ce qui le rend excellent dans ce qu’il fait ».

Après avoir obtenu sa première qualification à la CAN féminine, le rêve de Pascal Sawadogo est de qualifier l’équipe nationale féminine pour la première fois à la Coupe du Monde. Pour cela, son équipe doit réaliser un bon résultat. Lui, croit au potentiel de ses joueuses.

Boukari OUEDRAOGO