Football féminin : Pascal Sawadogo, le formateur, le père et le bon samaritain©Studio Yafa
Grâce à sa passion, Pascal Sawadogo a qualifié l'équipe féminine du Burkina à sa première CAN

Football féminin : Pascal Sawadogo, le formateur, le père et le bon samaritain

Sélectionneur de l’équipe nationale féminine de football du Burkina Faso, Pascal Sawadogo est avant tout, un formateur. Depuis une dizaine d’années, l’homme ne compte pas ses dépenses lorsqu’il s’agit de football féminin. Il n’est pas qu’un seul entraîneur de football car pour lui, il ne faut pas dissocier football et vie sociale. 

« Plus passionné de football féminin que Pascal Sawadogo, tu meurs », dit-on souvent. L’actuel sélectionneur de l’équipe nationale féminine s’est investi dans la formation de jeunes filles depuis une vingtaine d’années maintenant. C’est au Lycée apostolique au quartier Tanghin de Ouagadougou, que le sélectionneur de l’équipe nationale féminine a installé ce qui pourrait être considéré comme son centre de formation. Dans la cour de ce Lycée, chaque soir, une vingtaine de filles jouent au football sous sa surveillance.

Fondateur de l’équipe l’Association sportive Etincelles de Ouagadougou, Pascal Sawadogo, 43 ans, en est également l’entraîneur. C’est là qu’il nous accueille. Avant toute interview, il tient à présenter son centre. L’une des deux salles de classe obtenues grâce à la bienveillance de l’administration lui sert de magasin et d’armoire à trophées. Une vingtaine de trophées glanés garnissent un étable dans la salle. Des maillots, des ballons, du matériel sportif etc. sont également entassés. Une autre salle sert de dortoir. « Les filles dorment ici lorsqu’il y a des matchs de championnats. Nous préférons les garder ici pour avoir un œil sur elles », explique celui pour qui, la confiance que les parents lui ont accordée compte plus que tout. Cependant, l’équipe fonctionne en mode externat faute de moyens.

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L’histoire d’amour entre Pascal Sawadogo et le football féminin est une pure coïncidence. Dans le cadre de la lutte contre le Sida, une ONG décide d’associer football et lutte contre la maladie au Burkina Faso. C’est lui que les membres de cette ONG rencontre dans son service alors qu’il s’apprêtait à sortir. Les deux parties discutent. Pascal est emballé par l’idée du projet. Un partenariat prend forme aussitôt.

Un tournoi est mis en place où des équipes mixtes s’affrontent dans un match de football. Enseignant d’éducation physique et sportive, il engage l’équipe du Lycée apostolique. L’idée de la compétition est de lutter contre le Sida au Burkina Faso. Des séances de questions-réponses sont organisés par chaque rencontre. « Le résultat du match seul ne comptait pas. Après, un match, il y avait des questions qu’on posait sur le SIDA. Votre équipe pouvait perdre sur le terrain mais gagner grâce à ses questions-réponses », se souvient l’entraîneur. A la fin du projet, Pascal ne vient rien lâcher. Il continue la formation des jeunes. Cette fois, il engage son équipe aux compétitions organisées dans la ville de Ouagadougou.

Un formateur organisé

Un tournoi de jeunes, Airtel Jeunes talents est organisé par une compagnie de téléphonie mobile pour promouvoir le football à la base. Pascal Sawadogo engage ses équipes à ces compétitions. « A travers cette compétition, j’ai compris qu’on pouvait faire quelque chose de grand dans le football féminin». Pascal Sawadogo, participe aux compétitions de l’Union des sports scolaires et universitaires (USSU-BF). Mais, l’enseignant titulaire d’une licence en sociologie et d’un master en géographie fait un constat : le football féminin est à la traine. Il laisse tomber la section garçons et lance celle des filles en créant l’Association des Etincelles de Ouagadougou.

« Il y avait de l’engouement mais un peu partout, on trouve des garçons qui jouent au football. J’ai donc décidé d’offrir un cadre aux filles », témoigne Pascal. Bien avant, il est sollicité par l’Union sportive de Ouagadougou (USO) pour renforcer le staff féminin de l’équipe. Ses joueuses sont sollicités. Mais, la collaboration tourne court. Partant de cette expérience, il décide de fonder sa propre équipe.

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En collaboration avec les autorités de son établissement, il obtient un accompagnement pour la mise en place de son équipe. La détection des joueuses se fait à partir de la classe de sixième. « Pour les jeunes filles, il faut commencer tôt pour pouvoir modeler le corps, leur apprendre les techniques de base sinon après, c’est compliqué », explique-t-il. Les frais de scolarité, la cantine des élèves sont subventionnés par l’administration et lui. Son équipe les Etincelles est la seule du Burkina Faso qui dispose de toutes les catégories de joueuses. C’est pratiquement un laboratoire pour les filles. Débordé, il confie certaines joueuses à d’autres encadreurs dans des quartiers plus proches.

Pascal Sawadogo est considéré comme un bon samaritain. L’homme n’hésite pas souvent à mettre la main à la poche pour offrir des vélos, des fournitures scolaires à ses joueuses. Tout cela sur fond propre. P« A cause du football, ce monsieur n’a même pas un bon frigo chez lui », susurre un collaborateur. « Il y a eu des moments, pour jouer les matchs, je fais plusieurs aller-retour entre le terrain et l’école pour transporter les filles sur ma moto », assume-t-il. Pour lui, il n’y a pas de limites à assumer sa passion. Les filles bénéficient d’éducation sexuelle et de formations sur le planning familial. Pour Pascal, un entraîneur de football féminin au Burkina Faso ne peut pas occulter le volet social. C’est pourquoi, il s’implique au sein de certaines familles de ses joueuses pour régler des problèmes sociaux.

Kabré Noamie Adèle, milieu de terrain en équipe nationale, est repérée par Pascal Sawadogo alors qu’elle était en classe de 4e et jouait au football avec de jeunes filles. La relation entre elle et son entraîneur est celle entre un père et sa fille. « Hors du football, il aide ses joueuses dans la vie sociale. Il prend en charge nos frais de scolarités et côté familial, il vient souvent résoudre des problèmes dans nos familles », concède la jeune fille, élue deux fois meilleure joueuse du championnat burkinabè.

Un entraîneur apprécié

Une autre joueuse, Jacqueline Sédogo, également sélectionnée en équipe nationale est milieu défensive. Au début, ses parents ne souhaitaient pas la voir fouler un terrain de football. Pascal Sawadogo s’est personnellement impliqué pour les convaincre. « Comme j’aimais le football, je me cachais pour aller jouer. Comme le coach a vu que j’étais passionné. Il est venu voir la famille, il a posé des conditions et la famille a accepté. Aujourd’hui, je joue au football sans soucis et mes parents sont fiers », affirme toute admirative Jacqueline Sédogo. Pascal Sawadogo passe un nouveau cap en 2021.

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Après l’élection de Lazare Banssé, comme nouveau président de la Fédération burkinabè de football (FBF) celui-ci est à la recherche d’un nouveau sélectionneur pour l’équipe nationale féminine. Il pense à Pascal Sawadogo dont les qualités humaines ont été vantées. Problème. Au sein du bureau exécutif, certains s’opposent au choix de Pascal Sawadogo qui, dit-on, n’a pas soutenu Lazare Banssé à la tête de la FBF. Ce dernier maintient son choix sur Pascal Sawadogo.

A son arrivée à la tête de l’équipe nationale féminine, celle-ci venait d’échouer à trois qualifications à la CAN féminine. Avec Pascal Sawadogo, les Etalons dames arrachent leur première qualification. « Il n’y a pas eu de secret. C’était seulement la motivation. J’ai dit aux filles qu’on ne devait pas rater la qualification. Je me suis assuré que les filles s’entraînaient vraiment en club. Ensuite, j’ai demandé à ce qu’on relance le championnat très rapidement pour que les filles puissent avoir de la compétition parce que je savais qu’on avait le niveau pour se qualifier », indique Pascal Sawadogo qui rêvait déjà d’entraîner l’équipe nationale féminine. Il ne met pas du temps et donne pour objectif de qualifier l’équipe féminine pour la première fois à la CAN. Mission accomplie. L’équipe nationale du Burkina Faso élimine celle du Bénin et de la Guinée Bissau pour arracher sa première qualification qu’elle recherchait depuis 2014.

Les collaborateurs de Pascal Sawadogo sont aussi admiratifs de sa passion et sa rigueur. Aminata Cissoko, ancienne footballeuse et préparatrice de l’équipe nationale est aussi élogieuse : « C’est un homme qui est passionné. Il aime la chose. Il éduque les filles. Il traite les filles comme ses enfants. Et elles l’écoutent vraiment. C’est ce qui le rend excellent dans ce qu’il fait ».

Après avoir obtenu sa première qualification à la CAN féminine, le rêve de Pascal Sawadogo est de qualifier l’équipe nationale féminine pour la première fois à la Coupe du Monde. Pour cela, son équipe doit réaliser un bon résultat. Lui, croit au potentiel de ses joueuses.

Boukari OUEDRAOGO