Ouagadougou: Le linge sale nourrit ces femmes

Ouagadougou: Le linge sale nourrit ces femmes

Des femmes arpentent des quartiers de Ouagadougou, toquent aux portes pour proposer leurs services de laveuses de linge sale. A vélo ou à moto, généralement enfant au dos, elles honorent les rendez-vous, prospectent d’éventuels clients. Une activité qui peut paraître ingrate au regard de la complexité de l’activité et de ce qu’elles gagnent. Mais pour la survie, aucune somme n’est modique.

De secrétaire à laveuse de linge. Ainsi pourrait-on résumer Lunda Maria Nana,  mère de 3 enfants. Depuis 3 ans, elle toque aux portes des domiciles pour avoir de quoi s’occuper au quotidien et surtout pour ramener à la maison, de quoi nourrir sa petite fratrie. Méticuleuse et attentive, elle prend soin du linge à elle confié comme si c’était les siens.

Avant cette vie, Lunda a bénéficié pendant 3 ans d’une formation en Secrétariat bureautique et informatique. A l’issue de cela, elle a été tour à tour, secrétaire d’une structure de la place, agent de liaison. Mais les responsabilités de mères l’ont contraint à démissionner. « Qu’est-ce que je peux faire en amenant mon enfant au bureau?», lance-t-elle comme pour dire qu’elle n’avait pas d’autre choix.

« Je ne pouvais plus continuer à faire ce boulot, je n’avais pas de garde bébé et ce n’était pas toléré que je parte au service avec mon bébé. Avec les machines et autres, ce n’était pas prudent pour l’enfant. Alors j’ai quitté mon travail », précise Lunda.

Moins facile qu’il n’y paraît

Juchée sur sa moto, enfant au dos, Lunda se déplace d’un quartier à un autre à la rencontre de sa clientèle. Elle dit exécuter sa tâche avec passion, souvent en restant courber pendant plus de 3 heures.  « Souvent je ne peux pas faire 3 domiciles en une journée » affirme-t-elle. Le lavage de linge n’est pas une activité facile, certes, mais il permet à la jeune dame de subvenir aux besoins de sa famille. C’est aussi grâce à cette activité qu’elle a pu s’offrir une moto.  « Je n’ai pas totalement acheté la moto mais j’ai contribué avec l’argent de la lessive » dit-elle.

Marie, mère d’un enfant est l’aînée de Lunda dans ce métier de laveuse. Elle qui totalise 5 ans de métier quitte le domicile dès 6 h. Avec son vélo panier, bébé au dos, elle honore ses rendez-vous, prospecte d’autres clients.  « Je n’ai pas eu la chance dans le commerce alors j’ai décidé de laver les habits », explique-t-elle.

Quotidiennement, c’est le même manège. Faire le tri des vêtements : les blancs d’un côté, les couleurs de l’autre. La bassine remplie d’eau savonneuse, elle plonge un premier lot, attend une dizaines de minutes avant de commencer à frotter. « J’habite derrière l’hôpital Blaise Compaoré, avec mon vélo c’est souvent difficile de répondre à toutes les demandes » dit-elle, avant d’ajouter que son vœu le plus chère est de s’acheter rapidement une moto pour faciliter ses déplacements.

Des clients satisfaits

« Elle était venue taper à ma porte en me disant qu’elle cherchait du linge sale à laver. J’ai hésité parce qu’elle avait un enfant de bas âge au dos mais j’ai fini par accepter je me suis dit qu’elle avait vraiment besoin de ce travail », témoigne Franck Bambara, un client. Il dit être admiratif du dynamisme de Marie qui malgré son enfant en bas âge, parcourt une longue distance à vélo, souvent dans la fraîcheur ou sous un soleil de plomb pour honorer ses rendez-vous.  « J’aime ses services, elle est efficace et respecte à la lettre mes consignes. Je ne peux que l’encourager souvent », ajoute le client qui deux à trois fois dans le mois, depuis plus d’un an, fait appel à Marie qui repart généralement entre 2 500 et 30 000 F CFA.

Marata, une autre laveuse, a pratiquement signé un contrat avec une famille résidant à Pissy, un quartier situé à l’ouest de Ouagadougou.  « Au début, je voulais laver leurs habits, mais cette famille m’a proposé de nettoyer leur maison chaque jour et lorsqu’il y a des habits sales, je les lave », détaille Marata qui se réjouit aussi d’avoir trouvé dans cette famille une clientèle pour sa friperie.  « Comme elle vend des habits, parfois je paie avec elle pour l’encourager de toujours bien s’occuper de notre maison » témoigne Adeline Mandou chez qui Marata fait le nettoyage et la lessive.

En attendant des lendemains meilleurs…

Lunda et Marie ont des tarifs qui varient en fonction du type d’habits. Le prix d’un pantalon jean à laver n’est pas le même que celui d’une chemise qui est aussi diffèrent que celui d’une robe. Par mois, Lunda fait des économies de 20 000 FCFA.

En revanche, Marie a un revenu de plus de 40 000 FCFA selon les périodes. « J’ai des clients fidèles chez qui je dois faire la lessive chaque jeudi de la semaine. Chez d’autres aussi, nous avons arrêté ensemble une somme qu’ils doivent me verser chaque fin du mois et non de façon journalière », précise-t-elle.

Marata, perçoit elle aussi, un salaire de 40 000 FCFA par mois. Grâce à son « job » de lavage de linge. C’est en économisant qu’elle a réussi à constituer un fonds pour se lancer dans la vente de la friperie. Avec ses revenus, elle participe aux charges de la famille comme la scolarisation des enfants.

Forte de ses connaissances en secrétariat et informatique, Lunda Maria ambitionne de mettre en place une structure de lavage. « Je veux juste avoir un local où les clients vont passer me remettre leurs habits, je lave uniquement et je les livre après. Je veux me servir de ma formation de secrétaire pour gérer mon entreprise » explique-t-elle. Ambitieuse, Marata également économise dans l’optique de louer un local pour renforcer son commerce de friperies. Elle s’est également lancée le défi de s’acheter une moto avant 2025.

Studio Yafa avec MoussoNews