Bagré, terre hospitalière pour des déplacés internes
Une déplacée interne récolte de la tomate à Bagré © Studio Yafa

Bagré, terre hospitalière pour des déplacés internes

À Bagré, des déplacés internes ont trouvé un refuge pour se reconstruire. Dans cette localité du Centre-est réputée pour abriter des terres aménagées pour l’agriculture, plus de 900 ménages qui ont fui l’insécurité dans plusieurs localités du pays, ont bénéficié de la générosité des autochtones. Des lopins de terre leur ont été cédés pour travailler et nourrir leurs familles.

Sous un soleil ardent, Nonsymaba Ouédraogo, le pas agile, passe d’un jardin à un autre. Il se retourne fréquemment pour demander à ses invitées de faire attention aux puits asséchés qui viennent d’être recouverts de terre. Nous sommes en plein mois d’avril, mais sur ce vaste périmètre, des femmes viennent de récolter de la tomate et les hommes tout en sueur, remuent la terre nouvellement arrosée. « D’ici jusque là-bas, ce sont des déplacés internes. Ils sont sur plusieurs sites ici à Bagré », explique Nonsymaba.

Nonsymaba Ouédraogo dit être reconnaissant aux autochtones de Bagré © Studio Yafa

Ressortissant de Pissila dans la région du centre nord, il est arrivé à Bagré avec toute sa famille il y a 5 ans. « Ce sont les attaques terroristes qui nous ont fait fuir », rappelle-t-il. Il fait le choix de venir à Bagré, situé à plus de 300 km de Pissila. « J’ai une connaissance ici, et je savais qu’il y avait des terres à exploiter, voilà pourquoi j’ai fait le choix de venir ici », poursuit Nonsymaba.

Sur place, il reconnaît avoir bénéficié de la générosité des autochtones qui pris d’empathie lui ont cédé des lopins de terres pour s’occuper des 21 personnes à sa charge. Il cultive plusieurs spéculations comme le riz, du maïs en plus du maraîchage.

Loin de chez soi, une nouvelle famille à construire

Awa Oubda, est assise à même le sol. Au milieu d’un groupe de femmes déplacées, elle fait le tri de la tomate dans une bonne ambiance. Originaire de Bagré, elle a elle élargit son cercle d’amies avec l’arrivée des déplacés. Pour Awa, la solidarité envers eux allait de soi. « Ils sont vulnérables. Même s’ils étaient bien aisés là où ils étaient, en se déplaçant ils deviennent vulnérables. Certains n’avaient pas de maison pour dormir. Même pour manger, d’autres rencontraient des difficultés donc ce qu’on pouvait faire pour leur faciliter la vie, on l’a fait », relate Awa qui précise que c’était un plaisir d’aider ces personnes en détresse.

« Les gens d’ici nous ont bien accueillis », confirme  Alimata Sawadogo, déplacée. Elle a pu faire son jardin de tomate, d’oignons grâce aux terres mises à sa disposition par les autochtones. Venue dans un nouvel environnement avec des appréhensions et le cœur meurtri par la fuite forcée, elle avoue que Bagré lui a été bien hospitalier pour faciliter sa reconstruction. Elle s’est fait de nouvelles amies. « On ne veut même plus se séparer. Mais si entre-temps, la paix revient et que nous devrons repartir chez nous, c’est sûr que nous reviendrons de temps en temps pour les voir », promet Alimata.

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En plus de travailler pour son compte, elle explique qu’à Bagré, les opportunités qu’offre la plaine sont nombreuses : « Souvent nous allons dans les bas-fonds pour faire des contrats de repiquage du riz ».

Le Directeur général de Bagrépôle Joseph Nikiéma, reconnaît qu’effectivement la plaine a un problème de main-d’œuvre. Certains jeunes préférant l’aventure et l’orpaillage au travail de la terre. Donc, l’arrivée des déplacés est une bouffée d’oxygène pour les agrobusinessmen. « C’est heureux s’ils trouvent à s’employer à Bagré », se réjouit le premier responsable de Bagrépôle.

Tout en étant reconnaissants aux autochtones, les déplacés de Bagré regrettent malgré tout le manque d’accompagnement des autorités locales. Nonsymaba Ouédraogo, le responsable des déplacés internes de Bagré fait savoir que la plupart des terres sont en location. Il faut débourser 1 00 000 tous les six mois pour avoir un bas-fond rizicole, nous informe-t-il. Lui et ses camarades plaident pour que les autorités octroient un espace uniquement réservé aux déplacés à Bagré.

Tiga Cheick Sawadogo