Vendu dans les rues et les marchés, le « moui baongo », plat à base de riz et de sauce pâte d’arachide, attire de plus en plus de consommateurs à Ouagadougou. Accessible à toutes les bourses, ce repas connaît un grand succès. Pourtant, des questions sur l’hygiène continuent de se poser
Sous un ciel gris, une pluie fine tombe sans dissuader la foule qui se presse devant le commerce de Balkissa Ouédraogo. Il est 14h passé de plusieurs minutes, pourtant la file d’attente ne cesse de s’allonger devant la vendeuse de « moui baongo ». Le « moui baongo » est un plat de riz bon marché à la sauce pâte d’arachide souvent accompagné de boyaux de ruminants.
Une charrette soutient ses bassines de riz, de sauce et de spaghetti. Le parfum du riz fumant, mélangé aux arômes de sauce la sauce d’arachide embaume l’air. D’un geste rapide, Balkissa sert une assiette bien garnie à une cliente impatiente.
Un plat de riz à 150 francs CFA
Derrière elle, des bassines de riz encore chaudes sont prêtes à être servies à des clients qui, visiblement, en ont assez d’attendre. « Le « moui baongo », c’est du riz accompagné d’une sauce arachide légère, avec des morceaux de choux et des aubergines africaines. C’est simple, nourrissant et accessible à tous », explique-t-elle, tout en servant une nouvelle assiette. À côté d’elle, une de ses collaboratrices découpe des morceaux d’aubergine africaine, communément appelé coumba en langue mooré qui garniront les prochains plats de riz.
Avec l’afflux constant de clients, Balkissa nous explique un fait étonnant : « Les gens viennent nombreux, à tel point qu’il n’y a parfois pas assez de plats propres pour servir. Parfois, ce sont les clients eux-mêmes qui font la vaisselle ». Cela ne semble les déranger outre mesure. Leurs sourires et leurs gestes d’impatience en disent long à ce sujet. À 150F CFA, une assiette de riz suffit à rassasier bon nombre de clients, dont certains reviennent chaque jour.
Bénédicte Kaboré, étudiante à l’Université Joseph Ki-Zerbo, attend patiemment son tour : « Avec seulement 200 ou 300F CFA, je peux avoir du riz et une aubergine. C’est idéal pour mon budget d’étudiante ».
Un plat populaire qui transcende les classes sociales
Si le « moui baongo » est prisé pour son prix abordable, il n’est pas réservé uniquement aux classes les plus modestes. Au quartier Dassasgho de Ouagadougou, au pied de l’Échangeur de l’Est, un restaurant attire les regards. Plusieurs véhicules et des motos sont garés à l’extérieur. À l’intérieur, l’ambiance est animée, des clients savourent le « moui baongo », mais en observant leurs assiettes, une version bien différente que celle proposée par Balkissa.
Ici, le plat de « moui baongo » est accompagné de morceaux de poulets vendus à 1250F CFA ou encore de poisson carpe vendu à partir de 1500 FCFA l’unité.
Hervé Dita, un client régulier, ne trouve pas d’inconvénient au prix : « En tout cas, moi, quand je viens ici, minimum c’est 2000 F CFA, parce que le poisson coûte 1500, le riz 300 et les macaronis 200 ». Il ajoute en riant : « Ça, c’est le minimum, parce que moi, je ne mange pas beaucoup. Sinon, j’ajoute encore du riz et des jus par-dessus ».
L’engouement et les défis d’hygiène
Malgré son succès, certaines personnes restent réticentes à l’idée de consommer ce plat, surtout à cause des conditions dans lesquelles il est vendu. Axelle Yaméogo, une autre étudiante observe les étals de « moui baongo » avec méfiance : « Je n’ai jamais mangé de « moui baongo » car j’ai des doutes sur l’hygiène. Souvent, le riz et la sauce sont mal couverts, exposés à la poussière et aux insectes. Je préfère éviter ».
Cette préoccupation n’est pas nouvelle. Et elle n’est pas la seule à le penser. Christie Compaoré aussi étudiante dit avoir du mal à se défaire des stéréotypes autour de cette nourriture. « Bon, moi-même je n’en ai jamais mangé mais les gens disent que c’est cuisiné avec du bouillon cube blanc et puis bon quand je regarde ça ne me donne pas trop envie coté propreté », ajoute-t-elle. Les commerces de « moui baongo » sont le plus souvent installés en bordure de routes, exposés à la poussière.
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La nutritionniste Edwige Oboulbiga, reconnait la valeur nutritionnelle du « moui baongo » . « Ce type de plat peut être riche en glucides, lipides et protéines grâce aux légumes et à la sauce pâte d’arachide, mais les mesures d’hygiène ne sont pas toujours respectées », prévient-t-elle.
Pour de nombreux consommateurs, l’hygiène passe au second plan face à l’urgence de manger rapidement et à moindre coût. Sylvain Kaboré, un vendeur ambulant de friperie, est un client fidèle : « Je mange ici tous les jours. Pour 200F CFA, tu as une bonne assiette qui te rassasie. Ça me suffit pour continuer ma journée sans dépenser beaucoup ».
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Avec son faible coût et son caractère nourrissant, le « moui baongo » » fait partie du quotidien de bon nombre de Ouagalais. Sa popularité ne cesse de croître, tant parmi les plus aisés que ceux qui le sont moins. Certains influenceurs s’amusent à se filmer en train de déguster ce plat, alimentant ainsi la tendance sur les réseaux sociaux.
Lagoun Ismaël Drabo
Écouter également ce reportage sur le « moui baongo »