Les travailleurs de la morgue du Centre hospitalier universitaire Souro Sanou semblent plus faire du social qu’un travail rémunéré comme tout autre. Il est vrai que leur travail sort de l’ordinaire, mais ils sont « habitués ». Ils prennent soins des morts, les gardent bien au frais, en attendant l’inhumation. Séjour dans l’avant dernière demeure des morts.
Visite dans un lieu cadavérique ! Un silence de mort réserve un accueil qui ne rassure pas. Il est juste interrompu, par moments, par le cliquetis des roues du brancard des garçons de salle repartant ou amenant des corps à la morgue du Centre hospitalier universitaire Souro Sanou de Bobo-Dioulasso.
L’ambiance y est pesante tout comme le cœur, lourd, des visiteurs partagés entre l’idée de sa propre mort un de ces jours, la peine pour les défunts, la pitié pour les parents des morts. Des frissons traversent tout le corps dans cette salle peu éclairée, avec des rangées de casiers, qu’on imagine avant constat remplis de corps. Ce lieu semble être l’avant dernière demeure avant le cimetière.
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Et dire que c’est le lieu de travail de certains agents du plus grand centre de santé de Bobo-Dioulasso. Eux, ils côtoient les morts, ils s’occupent d’eux, s’assurant qu’ils sont bien au frais.
Le responsable de l’unité de la chambre mortuaire, Olivier Moumoué, explique que leur travail consiste à recevoir les corps venant de divers sections de l’hôpital ou de la ville, les enregistrer, les garder dans les bonnes conditions au niveau de la chambre froide et après remettre les corps aux parents quand ils reviennent pour les chercher pour l’inhumation.
« Si le corps arrive et qu’il y a de la place, on fait l’enregistrement et on le met dans une chambre froide, c’est tout. Sinon, il n’y a pas de condition, on reçoit tous les corps », ajoute Olivier pour faire comprendre la procédure, l’air détendu.
A propos des bruits la nuit dans la morgue…
Avec une capacité de 29 places, la morgue ne peut pas recevoir les corps indéfiniment. Aussi, il précise qu’il est accordé 24 ou 48h aux proches des défunts pour ensuite les enlever, moyennant 5 000 F CFA la nuitée. Toutefois, le responsable des lieux expliquent que certains corps arrivent et il faut attendre de retrouver les proches.
Ce sont ces corps qui font un certain temps. Mais à l’en croire, au bout de 72 heures, tout au plus une semaine, ils informent le service d’hygiène qui saisit la Délégation spéciale. Un communiqué est alors diffusé pour rechercher les proches. Une semaine après le communiqué, le procureur donne l’autorisation pour l’enlèvement du corps.
Garçon de salle, Abdoul Karim Drabo travaille à la morgue du Centre de santé Souro Sanou. Il déconstruit les idées reçues sur la morgue. Du haut de son expérience, il confie n’avoir jamais entendu des bruits bizarres, des morts qui se réveillent la nuit ou autre chose. Mais, se rappelle-t-il, « Une fois, ça m’est arrivé, lors d’une garde, aux environs de 2 heures du matin. J’étais assis avec une collègue regardant la télé et j’entends comme si quelqu’un a tapé à la porte. Je suis sorti. J’ai fait le tour. Je croyais que c’était quelqu’un qui, peut-être, ne trouvait pas un coin qui est venu taper. Je suis revenu. Je m’assois. Quelques minutes seulement, le téléphone sonne et on nous informe qu’il y a un corps. En Afrique, on dirait que c’est l’esprit d’une personne qui est déjà là », témoigne le garçon de salle, sans le moindre signe de frayeur.
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Le plus difficile pour Abdoul Karim, c’est le regard des gens sur eux qui travaillent à la morgue. Si certains les voient comme de braves gens, d’autres se demandent quel diable ils cherchent en ces endroits. Aussi, il dit garder le sujet top secret professionnel, refusant d’en parler au cours des causeries.
Blandine Coulibaly, brancardière, insiste sur la psychologie des travailleurs de la morgue, eux dont les usagers ne sont plus vivants. Blandine avoue faiblir souvent à la vue de corps sans vie de personne très jeune. « Le sentiment fréquent c’est surtout l’empathie lorsque la personne décédée est d’un jeune âge », lâche la bonne dame. Ce qui la réjouit dans le métier, c’est quand « on nous appelle qu’il y a un décès de venir enlever le corps et ensuite on nous rappelle que la personne est toujours vivante ».
Boureima DEMBELE