Djénébou Banao, jeune cheffe burkinabè, s’est lancée dans le pari pour inscrire son nom dans le livre du Guinness des records. Son défi : cuisiner mille plats par jour sans interruption pendant 12 jours. Autour d’elle, une organisation est mise en place pour lui permettre d’atteindre cet objectif.
En ce mardi après-midi, à la Maison du Peuple de Ouagadougou, un calme trompeur règne. Il est 15h30 quand nous franchissons le portail. Une petite foule s’agite déjà autour de la cuisine improvisée de Djénébou Banao, installée en plein cœur de l’espace. A l’intérieur, un parking improvisé est installé.
Ce que le public ne voit pas, c’est l’arrière-cour. Une petite fourmilière est au travail. Un groupe lave les ustensiles, un autre rince les plats empilés, pendant que d’autres trient les condiments, alignent les oignons, les tomates, les piments. A notre arrivée, une camionnette déverse plusieurs sacs de riz. Des jeunes les soulèvent à bout de bras et les amènent dans un espace aménagé pour cela.

Tout cela, c’est pour accompagner Djénébou Banao, candidate pour réaliser le concours Guinness du plus long marathon culinaire. Son objectif, cuisiner pendant 12 jours sans arrêt 1000 par jour. Un projet qui a vu le jour après plusieurs mois de préparation.
Des bénévoles en soutien
« Au début, on avait chaud, mais maintenant ça va », souffle Abdoulaye Ouédraogo, affichant un sourire fatigué au visage. Il commande à des jeunes adolescents présents, de descendre des sacs de riz à l’arrière d’une camionnette. « Ce sont de bonnes volontés qui nous offrent ça pour nous encourager », dit-il avant de repartir aussitôt, visiblement pressé. Abdoulaye est le manager de Djénébou, l’homme à tout faire. C’est lui qui coordonne tout.
Pas trop loin de là, un groupe de jeunes filles sort d’un espace de stockage, les bras chargés de kits alimentaires qu’elles glissent dans une fourgonnette. « C’est pour les gens de Faso Mêbo », lance l’une d’elles, le pas vif.

Tout autour, la musique tourne en boucle. Sous un arbre, une équipe médicale est installée. Trois agents de santé, assis à l’ombre d’un arbre aussi, discutent entre eux, attendant. Selon le règlement, il doit porter assistance à la candidate.
Un engagement familial
Parmi les personnes venues soutenir Djénébou, Dame Loué, la tante de Djénébou. Elle se repose sur une chaise tout en donnant des consignes. Quand on l’appelle, elle se lève difficilement. Depuis le premier jour du challenge, elle ne quitte presque jamais sa nièce. Elle est là et tient à l’encourager dans ce défi culinaire. « Je lui ai dit que c’est un challenge du cœur. Si elle sent qu’elle peut le faire, qu’elle le fasse. Elle a ma bénédiction », murmure-t-elle. En l’absence de la mère de Djénébou, c’est elle qui veille sur les petits besoins. Pour elle, cette participation dépasse l’engagement individuel. C’est aussi une histoire de famille.

A 16 h pile, Djénébou sort enfin de la cuisine. Elle rejoint la salle de repos, le visage fermé. Un agent de sécurité en tenue civile veille à ce qu’aucun intrus n’entre. « Aujourd’hui, elle ne veut parler à personne, même pas à l’équipe médicale », expliquera plus tard Abdoulaye. Elle est suivie par Marcel Sawadogo. Avec sa toque de cuisine et son tablier, il assure la logistique culinaire.
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Contrairement aux autres, Marcel accompagne Djénébou à l’intérieur de la cuisine en tenant les condiments prêts. « Mais je n’ai pas le droit d’intervenir », prévient-il d’une voix enrouée qui trahit sa fatigue. Lui également est chef cuisinier. Il reconnait que le rythme est intense avec une production entre 1200 et 1300 plats par jour, bien plus que les 1000 prévus. « Mais, on est sûr qu’on va tenir », promet-il.

Restauratrice à Bobo-Dioulasso, propriétaire du restaurant Akwaba, Djénébou a déjà vécu une expérience Guinness en accompagnant une candidate en Côte d’Ivoire. Mais cette fois, elle porte le projet seule. Elle a appelé Abdoulaye, qui a accepté sans hésiter de coordonner l’organisation.
Des plats offerts au public
Dans la vaste cour, un espace a été aménagé pour le public. Des stands vendent des boissons et de la grillade alors que des enfants jouent à plusieurs jeux mis en place pour animer l’évènement qui ressemble à un petit festival. Un groupe de jeunes, en majorité des élèves, attendent d’être servis. Ils sont venus pour témoigner eux-mêmes des qualités culinaires de la cheffe. Parmi eux, Dieudonné Kambou qui attend aussi son plat. « Quand il y a un évènement, nous sommes là pour manger », plaisante-t-il en compagnie de son frère en espérant être servis. Mais avant tout, il est venu soutenir la cheffe.
Certains plats de Djénébou sont offerts au public pour éviter le gaspillage. Cependant, la grande majorité est distribuée chaque jour à des déplacés internes, des malades dans les hôpitaux, des personnes mobilisées pour le projet Faso Mêbo. « Djénébou est quelqu’un qui aime beaucoup donner. Elle est connue en famille comme quelqu’un qui aime partager », explique sa tante.
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Au départ, tout était difficile. L’équipe avait peu de soutien. Puis la solidarité a fini par prendre selon Abdoulaye, qui profite de ce moment pour prendre une petite pause. Il présente d’ailleurs deux bœufs offerts par des bonnes volontés en plus des dons de riz, de pommes de terre, de condiments. « Vraiment les soutiens viennent de partout », explique-t-il tout en prenant des remontants. Avec le soutien reçu, Abdoulaye est convaincu que Djenabou Banao va inscrire son nom dans le livre Guinness des records. Au Burkina Faso, seul Cheich-Al Hassan Sanou a inscrit son nom dans le livre Guinness des records.
Boukari Ouédraogo
