Ouahigouya : les déplacés internes manquent de bois de chauffe

Ouahigouya : les déplacés internes manquent de bois de chauffe

L’accès à l’énergie domestique est l’autre casse-tête des déplacés internes à Ouahigouya, à près de 180 km au Nord de Ouagadougou. Le fagot de bois de 500 FCFA suffit juste pour une préparation. Dans certaines familles, les tiges et autres brindilles sont devenues les principales sources d’énergie domestique. Les difficultés d’accès à l’énergie domestique troublent le quotidien des déplacés internes à Ouahigouya.

Le soleil darde ses derniers rayons ce samedi, le dernier du mois de janvier 2023. Dans la cours du vieil El-hadj Rasmané, un déplacé interne venu de Titao depuis deux ans, on s’affaire pour le repas du soir. Il est presque 17h, le froid s’est déjà installé. Les enfants continuent de s’amuser, tout poussiéreux. « A cette heure-là les enfants devaient avoir fini leur toilette puisque la fraicheur va s’intensifier bientôt. Mais, on lutte toujours avec le bois », s’exclame Hadja Ramata.

Lire aussi: Ouahigouya, pénurie d’eau, colère de femmes

En effet, dans l’arrière-cour une épaisse fumée se dégage de la porte d’une cuisine. A l’approche, l’on suffoque. Le cri perturbateur d’un bébé et le bruit d’une assiette soufflant dans le foyer vous convainquent de la présence humaine dans cet environnement. Quand dame Kalizèta met les pieds dehors, elle a les yeux rouges. Sur son visage, des traces de larmes désormais sèches. La jeune dame se débattait avec des sachets plastiques pour allumer du bois pas vraiment sec.

Le bébé au dos, celle qui a quitté Titao avec son époux, depuis le décès de Ladji Yôrô, un célèbre supplétif de sécurité, en décembre 2021, s’explique : « Ici c’est comme ça. Plusieurs fois, tu envoies les enfants t’acheter du bois de chauffe. Mais ils vont ramener des fagots de bois frais. Et le problème, c’est que le prix n’est pas toujours accessible. Quand c’est ainsi, il faut lutter avec le sachet plastique pour allumer. Même avec la fraîcheur, il est difficile de chauffer l’eau comme au village pour la toilette des enfants ».

Lire aussi: Femmes déplacées à Ouahigouya, la survie par la culture de contre-saison

A la date du 31 décembre 2022, Ouahigouya comptait 143 mille 464 déplacés internes dont 86 mille 634 enfants selon le Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR). Cette pression démographique a fait augmenter le besoin en source d’énergie domestique. Mais, sous la pression des hommes armés non identifiés dans les villages alentours le prix du bois de chauffe a augmenté.

« Avant on pouvait se débrouiller avec le tas de 250 fcfa pour cuisiner. Mais aujourd’hui, si tu achètes le tas de 500 f cfa, tu es obligé de faire une cuisine qui prend en compte le déjeuner, le dîner et le petit déjeuner du lendemain. Autrement si tu veux faire différemment, c’est impossible », explique la sexagénaire, affectueusement appelée Yaaba dans la cour. Celle-ci a quitté le village de Tougou à 22 km de Ouahigouya, avec ses belles-filles et petits enfants depuis bientôt deux ans.

Lire aussi: Ouahigouya, l’insécurité menace la filière lait

En plus, Ouahigouya vit une pénurie de gaz butane depuis deux mois. Le prix du charbon de bois a doublé et se négocie aujourd’hui entre 8000 et 10 000fcfa pour les grossistes. Et cela a encore augmenté la souffrance des ménages. Aujourd’hui, dans les ménages les déplacés internes sont obligés de s’adapter.

La corvée du bois de chauffe n’est plus réservée à la femme. Le vieil El Hadj Rasmané tient la hache ce soir et dispense un cours théorique et pratique à ses deux garçons sur comment fendre le bois. « Sincèrement, c’est maintenant que j’apprends à fendre le bois. Honnêtement au village, je n’ai jamais pris l’initiative d’aller chercher du bois pour la famille. C’est le travail des femmes. Mais, ici on n’a pas le choix. Voilà pourquoi je dois apprendre avec le vieux comment je peux fendre ce bois sans me blesser », explique l’un des enfants.

Faute de moyen pour s’acheter le bois ou le charbon, la coupe abusive du bois est devenue monnaie courante. Elle menace de plus en plus l’environnement mais aussi la cohabitation entre populations déplacées et autochtones. Conscientes de ce fait, les autorités locales ont pris les devants en menant des campagnes de sensibilisation en vue de protéger la nature mais aussi, d’éviter d’autres conflits.

Patrice Kambou

Correspondant