Cinéma : il était une fois, la salle de ciné de Kongoussi

Cinéma : il était une fois, la salle de ciné de Kongoussi

A Kongoussi, la salle de ciné de la ville, ouverte en 1988 n’a tenu que dix ans laissant orphelins les cinéphiles de la ville. La salle semble abandonnée même si la mairie a un projet de réhabilitation.

Il faut être un habitué de la ville de Kongoussi pour se rendre compte qu’il existe une salle de cinéma. Les étables de commerce ont envahi la devanture du bâtiment de la salle de cinéma de la ville. A l’entrée, un cordonnier et un vendeur d’accessoires de téléphones portables. « C’est ici la salle de cinéma. Mais, on se trouve en même temps dans un maquis », nous explique Rasmané qui nous sert de guide.

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Ce jour-là, les portes sont sous scellés. « Ha, ils ont fermé. Les gens rentraient pour faire leurs besoins là-bas. La mairie est venue mettre les cadenas. C’est tout ce que je peux vous dire », explique la gérante d’un restaurant adossé à la salle de ciné. En effet, la salle jouxte plusieurs étables de commerce en plus de la gare routière où affluent chaque jour un nombre important de passagers. En l’absence de toilettes publiques, certains y faisaient leurs besoins, car, la salle semblait abandonnée à elle-même.

«C’est regrettable»

En montant les escaliers menant à la salle de production placée en hauteur à l’entrée, l’on peut apercevoir la salle de cinéma. De l’herbe sauvage d’environ un mètre de hauteur, jaunie par le temps, des arbustes parfois, ont envahi l’espace. La rouille continue de mener son travail sur les sièges en fer. Ceux en briques sont en état de dégradation avancée. Au niveau de la salle des machines, le tableau du compteur d’électricité a disparu.

La salle de cinéma de Kongoussi a l’air abandonnée

Amadou Sayoré a travaillé pendant une dizaine d’années à la salle de ciné de Kongoussi. La cinquantaine, il refuse aujourd’hui de s’approcher de la salle. « Nous les anciens, on risque de dire que je suis venu prendre quelque chose, dit-il, aussi méfiant qu’écœuré puis d’ajouter, c’est regrettable quand même ». Cette salle est née sous ses yeux. « La salle de ciné de Kongoussi a été construite en 1984 mais c’est en Août 1988 qu’elle a commencé à fonctionner avant de fermer en 1998 », relate-t-il.

En dix ans de fonctionnement, la salle de ciné de Kongoussi faisait salle comble assure Amadou Sayoré. Des cinéphiles venaient de plus de 25 kilomètres pour suivre des films à Kongoussi. « Ça marchait vraiment. Quand on avait les films américains, les films de karaté chinois, les films indous et surtout les films africains, on faisait salle comble. Quand on avait un film burkinabè, on ne pouvait pas contenir le monde », se souvient encore Sayoré.

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Grâce aux revenus issus de la salle de ciné, il a pu s’acheter sa première mobylette. « C’est vraiment grâce à ça que j’ai pu acheter ma première moto, une P50 que je garde toujours même si je ne roule pas avec », partage-t-il.

Le coût élevé des films

Mais finalement, la salle de ciné a dû fermer ses portes à cause de la cherté des films loués à la Société nationale d’exploitation cinématographique du Burkina (SONACIB), privatisée en 2004. « Chaque film coûtait au moins 300 mille francs CFA. En plus vous ne pouviez pas aller trier n’importe quel film pour venir. Parfois, vous avez deux bons films plus trois autres que vous récupérez pour venir faire une semaine », se rappelle toujours Sayoré. En plus, la mauvaise gestion de la salle a précipité sa fermeture. « La gestion n’était pas transparente. Nous avons passé trois mois sans salaire alors que la salle fonctionnait très bien », regrette Sayoré.

A l’époque prospère de la salle de ciné de Kongoussi, Abdoulaye Ouédraogo menait une activité de commerce florissant. Il tente alors de reprendre la gestion de la salle. Sans succès. « Quand ça marchait, il n’y avait pas de téléphones portables et les télés n’étaient pas aussi populaires, il n’y avait pas de salles de vidéos. Mais après, nous nous sommes rendus compte que nous n’arrivions pas à rentabiliser », explique Abdoulaye Ouédraogo. A bout de souffle, il finit par abandonner à son tour et d’ouvrir plutôt un vidéoclub.

Le projet de la mairie

Pour Abdoulaye Ouédraogo, les cinéphiles n’ont plus besoin d’aller dans les salles de cinéma pour suivre un film du fait des facilités offertes par la technologie, notamment le numérique.

La mairie de Kongoussi a repris la gestion de cette salle. Pour le premier vice-président de la délégation spéciale de Kongoussi, Etienne Sawadogo, la salle de ciné de Kongoussi n’est pas fermée mais « inutilisée ». « Il faudrait qu’on arrive à utiliser cette salle. Dans notre projet de plan communal de développement de 2018 à 2022, nous avions à cœur de transformer cette salle pour qu’elle devienne multifonctionnelle où on pourrait faire des projections, jouer des spectacles, organiser des conférences », promet-il.

Cependant, les moyens manquent. La mairie est donc à la recherche de partenaires pour réfectionner la salle, lui redonner une nouvelle vie et reconquérir le public.

Boukari OUEDRAOGO