Kongoussi : des élèves utilisent leur argent de poche pour soutenir des personnes déplacées

Kongoussi : des élèves utilisent leur argent de poche pour soutenir des personnes déplacées

Après avoir découvert une famille de déplacées grelottant dans le froid à travers une publication sur les réseaux sociaux, des élèves ont décidé d’utiliser leur argent de poche pour leur procurer des couvertures mais aussi des vivres. Un geste qui fait écho dans la province.

Tout part d’une publication devenue virale sur les réseaux sociaux. Une famille de déplacées internes à Kongoussi, 110 km de Ouagadougou, dort dans un taudis, dans le froid, sans matériel de couchage, sur des bancs. La température atteint parfois 18e degrés dans cette localité. Ce qui est énorme pour une commune située dans cette zone sahélienne.

« C’est un matin, j’ai vu la publication sur la page Bam TV. Lorsque j’ai vu la famille, ça m’a vraiment touché. Les conditions dans lesquelles elle vivait, ce n’était pas facile. J’ai partagé ça avec les élèves », se souvient Rasmané Tiendrébéogo, enseignant de français au Lycée municipal de Kongoussi. Il en profite pour parler du contexte sécuritaire, les besoins des personnes déplacées internes, la cohésion sociale, etc. Les élèves sont touchés. Après échanges, ils décident de faire quelque chose de symbolique : utiliser leur argent de poche pour soutenir ces déplacées.

Se priver de leur argent de poche

« Nous avons donc décidé de cotiser 200 francs CFA. D’autres sont venus avec du riz, du haricot et des denrées diverses. Chacun a donné. On a eu assez d’argent. Il y a de bonnes volontés qui ont donné. On a pris aller au marché, acheter des couvertures, des sacs de riz, des savons pour remettre à cette famille », explique Moumouni Sawadogo, élève en classe de 1re A et délégué de classe.  Dans cette commune qui ploie sous le coup de l’arrivée massive et incessante de personnes déplacées, 200 francs CFA correspondent à deux jours d’argent de poche pour les élèves. Du moins, pour ceux qui ont de l’argent de poche, ce qu’on appelle ici, « l’argent du PM (petit marché) ».

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Au Burkina Faso, selon la Banque mondiale, près de la moitié des Burkinabè vit avec moins d’un dollar (550 Francs CFA) par jour. Dépenser 100 francs pour des élèves s’avère une fortune. Car, certains élèves sont aussi des déplacés. « Moi-même, je suis un déplacé venu de Bourzanga. Je suis venu pour des raisons d’études il y a sept ans de cela. Mais ma famille m’a rejoint ici déplacée pour Kongoussi. Mais j’ai trouvé que ma situation et celles qu’on a vu sur les réseaux sociaux était différente. Nous avons donc décidé de contribuer », rapporte le délégué des élèves de 1re A.

« Certains n’avaient pas d’argent »

Belemgousgou Wendenda est aussi un élève déplacé. Sa famille vit dans des conditions difficiles. Mais, il a tenu à apporter son soutien. « J’ai même expliqué le problème à la maison. Ils m’ont dit d’attendre deux jours pour qu’on me trouve l’argent. J’ai dû emprunter pour pouvoir payer », explique cet élève. Un sacrifice qu’il ne regrette pas : « C’était un sentiment de joie quand je vois qu’on a pu aider ces personnes. Après avoir vu le sourire sur le visage de ces derniers, nous étions vraiment émus ».

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Se priver de son argent de poche était aussi un véritable défi pour ces élèves selon Cynthia Sawadogo, également élève en classe de 1re A. « Vraiment, ça n’a pas été facile de prendre l’argent du petit marché pour contribuer. Certains même n’avaient pas d’argent mais ils ont emprunté avec d’autres. A un certain moment, il fallait emprunter », avoue Cynthia d’un ton moqueur. Des enseignants et des particuliers ont aussi apporté leurs contributions. Mais, tout a été organisé par les élèves.

Fier de ses élèves, Rasmané Tiendrébéogo se dit dépassé par l’engouement autour de l’initiative. Pour lui, il s’est agi, en tant qu’enseignant et éducateur d’inculquer des valeurs de vivre ensemble, de solidarité notamment dans un contexte d’insécurité avec ses corollaires comme la stigmatisation. Il espère un effet boule de neige.

« Mon souhait est que ce geste puisse interpeler les uns et les autres parce qu’à Kongoussi ville, ce n’est pas facile. Il y a de ces familles si on vous raconte ce qu’elles vivent, vous risquez de pleurer », lance-t-il comme appel. Il semble avoir été entendu puisque d’autres élèves entendent suivre l’exemple des élèves de la 1re A du Lycée municipal de Kongoussi.

Boukari OUEDRAOGO