Sanou Dembélé raconte l’histoire de Dédougou

Sanou Dembélé raconte l’histoire de Dédougou

Dans un entretien en présence du chef, le porte-parole de la Cour royale du canton de Dédougou, Sanou Dembélé, donne la signification du nom de cette localité de la région de Bankui.  Il évoque aussi, entre autres, les patronymes de Dédougou et leur sens, les activités économiques des peuples fondateurs, et bien des aspects qui édifient sur la connaissance du chef-lieu de la région.

Studio Yafa : Qu’est-ce qu’on peut savoir de l’histoire de Dédougou ? 

 Sanou Dembélé : Dédougou s’appelait d’abord Bankuy. Bankuy, dans notre langue, c’est la cité ou en tout cas la localité où on retrouve beaucoup de forêts, beaucoup de végétation. Donc c’était une zone très boisée, où on retrouvait beaucoup de forêts.  Et donc le fondateur a baptisé cet endroit qu’il devait occuper là, Bankuy. Ça veut dire que le quartier ou la localité ou encore la ville où il y a beaucoup de forêts. 

Et à quand remonte cette histoire ?

 Alors, Bankuy a été fondée au 15e siècle, dans les années 1400 par un chasseur, ce conquérant, qui s’appelait Koé Dayo.

Koé Dayo est donc l’ancêtre de sa majesté, le chef du canton aujourd’hui.  C’était un chasseur, un conquérant donc. Il était à la recherche non seulement de gibiers mais aussi des terres arables pour s’installer.

A lire aussi: Fonio : une céréale prisée à Dédougou

Et c’est dans cette démarche qu’il a découvert un puits, qui est encore là aujourd’hui, que l’on peut visiter. Et c’est là qu’il s’est installé. Mais peu avant sa mort, en 1459, il a rebaptisé la localité. Il a rebaptisé le village en disant Dédou. Dédou pour dire que désormais il a réussi son affaire. Il est désormais en terre de la prospérité. C’est aujourd’hui avec le dioula, un peu la colonisation, qui a formalisé ça en Dédougou. Sinon, chez nous en Bwamu, on l’appelle Dédou.  Ça veut dire que son affaire, en tout cas son installation, il a atteint la prospérité. Donc Dédougou, c’est la terre de la prospérité.

Quelles sont les limites de Dédougou ? 

Alors, il faut dire que Dédougou était d’abord constitué de quartiers. Aujourd’hui, Dédougou compte 11 quartiers. Ça veut dire que dans la connaissance ancestrale, il y a 11 quartiers. Alors que le découpage administratif va conférer à la ville 6 secteurs, sinon 7 secteurs. Sinon, originellement, Dédougou, depuis les connaissances ancestrales, on peut dire avant la pénétration coloniale, a connu l’installation de 11 grands quartiers. Et ces 11 grands quartiers sont encore identifiables aujourd’hui et représentés très souvent autour de sa Majesté.

Le porte-parole du chef de Dédougou, Sanou Dembélé (Ph. Studio Yafa)

Donc pour ce qui est des limites territoriales, il faut dire qu’on n’a pas une carte sous la main.  Mais il faut reconnaître qu’aujourd’hui, administrativement, le canton de Dédougou s’étend sur près de 39 villages. Pour ne pas dire 40 villages. Ça veut dire que l’autorité coutumière, politique et administrative de Sa Majesté, chef du canton de Dédougou, couvre aujourd’hui une quarantaine, sinon précisément 39 villages. 

Quelles sont les ethnies originaires de Dédougou ? 

L’ethnie originaire, c’est prioritairement les Bwaba. Vous savez que Koé est Bwaba. Donc l’ethnie autochtone, c’est les Bwaba. 

Et les Bwaba sont parentés à plaisanterie avec quelles ethnies ? 

Oui, les Bwaba sont parentés à plaisanterie, justement avec ceux qui sont venus par la suite avec eux. Notamment les Dafings, et les Peuls.

Et avec le temps, vous savez les liens que les Bwabas ont avec les Bobos. Sur la base de ça, nous avons des liens de parenté à plaisanterie avec les Sénoufos, les Dagaris, les Djans, …

Et les patronymes de Dédougou?

Les patronymes prioritairement, de Dédougou c’est Dayo, comme Sa Majesté porte le nom Dayo.

Et que signifie Dayo ?

Dayo, en Bwamu, c’est comme une personne à même de tout supporter. Vous savez qu’en principe, ce que les gens détestent le plus, ce sont les charges. Les charges liées certainement à l’organisation par exemple des funérailles, et bien d’autres choses que les gens ne veulent pas supporter.   Eux, ils se sont montrés des gens aptes à pouvoir tout prendre en charge.  Donc c’est des gens qui acceptent d’endosser les responsabilités et les charges.   C’est ça Dayo. 

En plus de Dayo, on a d’autres patronymes ?

 Oui, en plus de Dayo, on a d’autres patronymes. On a des Condé.

Que signifie Condé? 

Bon, Condé, on est resté longtemps à chercher, mais Condé serait une dérivation du kwendé.  Et kwendé, bon, là aussi on n’a pas pu mettre un élément très pointu, mais on se dit que ces gens se reconnaissent comme des gens qui ont survécu grâce aux commerces, oui c’est des commerçants prioritairement.  C’est eux qui ont amené le commerce par là. Mais aussi, ils disent qu’ils ont survécu grâce, vous savez quand on pile le sorgho, le son du sorgho.

« Le nom de famille Tianhoun est représenté par un instrument de musique« 

Quand on prend les graines du sorgho, on pile, il y a le son qui sort. Ça veut dire que c’est des gens qui ont vécu, ils ont été alimentés pendant un certain temps de ce son, et en reconnaissance donc certainement à ce son là, bon, le kwendé aurait un lien avec le son.  Mais l’activité par laquelle ils sont rentrés ici véritablement, c’est surtout le commerce, oui la vente du sel. 

En plus de Condé, il y en a d’autres ?

Oui, il y en a d’autres, on a Dakuyo. Dakuyo, qui veut dire le brave, l’intrépide. Dakuyo, littéralement traduit chez nous, c’était des guerriers qui ont vaincu plusieurs quartiers.  Ça veut dire qu’il est vainqueur des quartiers. J’ai eu la difficulté, parce qu’avec le répertoire national que nous avons élaboré à un moment donné, les gens ont dit : « Dakuyo, c’est l’Intrépide », alors qu’à mon avis, l’Intrépide n’épuise pas le sens de Dakuyo.

Dakyo c’est les vainqueurs des quartiers. Maintenant, ils sont vainqueurs certainement en guerre, mais ils peuvent être vainqueurs sur d’autres terrains, l’agriculture, la production agricole, tout le reste. Donc ça veut dire que c’est les vainqueurs des quartiers.

A lire aussi: ça pue dans certains quartiers de Dédougou

Il y a des Sama. Sama, chez nous dans le Bwamu, peuvent avoir deux sens. D’abord, il y a le Sama, qui est le varan qu’on trouve dans l’eau, qui est un patronyme.

Ça veut dire que cette famille a dû prendre ce patronyme Sama, au regard de l’apport que le varan a eu pour eux. Mais il y a aussi le Sama, qui veut dire l’éléphant, ce qu’on appelle en mooré wobgo.  

Donc il y a aussi Tianhoun, qui est aujourd’hui représenté par un instrument de musique. Mais à l’époque, ce n’était pas l’idée qu’on voulait en premier.

Le porte-parole donnant des détails sur Dédougou sous le contrôle du chef (Ph. Studio Yafa)

Tianhoun, c’est des gens qui ont survécu, justement, d’une situation de drame social dans le village. Et l’élément qui était à l’origine de ce drame-là était un brin de Tianhoun, ce qui leur a fait prendre le patronyme Tianhoun. 

Il y a bien d’autres patronymes qu’on pourrait retrouver sur le territoire, en tout cas du canton de Dédougou. 

Vous avez tantôt parlé du commerce pour les Condé. Quelles étaient les activités économiques des habitants de Dédougou? 

De façon générale, pour les populations à l’origine à Dédougou, l’activité principale c’était l’agriculture. Il y avait l’agriculture, il y avait aussi la pêche. On retrouve bien des gens qui étaient des pêcheurs. On retrouve des gens qui étaient des agriculteurs. On retrouve des éleveurs. On retrouve donc des commerçants, comme on l’a dit. L’élevage, la pêche, l’agriculture, le commerce.

Quel est le rang de l’actuel chef de Dédougou ?

Dédougou est à son 12e chef. Ce qu’il faut préciser, c’est que de 1400 à 1939, ils étaient des chefs de terre. Ils étaient 9 jusqu’à 1939. Et à partir de cette date, on a assisté à l’intronisation du premier chef de canton. C’était sous la période coloniale. Le colon voulait des gens instruits pour faciliter la communication. C’est à partir de ce moment qu’on a intronisé le premier chef de canton qui correspond au 10e chef de la lignée des Dayo. Et après lui, est venu le père de l’actuel chef qui a accédé au trône à partir de 2004.

Et comment se fait la succession ?

La succession est très calibrée. Ce n’est pas directement de père en fils. Ça peut arriver que de père en fils on se succède, mais la succession, c’est la fratrie, en fait. C’est le frère ainé qui gère le pouvoir et à son décès, un autre succède. Mais avant, il y a un ensemble de rituels à faire, parce que le choix du chef n’est pas uniquement celui des humains. C’est aussi le choix des ancêtres. C’est méticuleux. D’un chef à un autre ça peut varier, mais c’est méthodiquement fait, de sorte que tout le monde se retrouve dedans.

Cela veut dire qu’il n’y a pas de possible de conflit de chefferie, comme on le voit ailleurs ?

Oui, il peut y avoir des débats. Mais ceux qui ont fondé le village ont mis suffisamment de garde-fou. Il y a des consultations à l’interne, on consulte aussi les ancêtres. En principe la chefferie c’est une charge qui est souvent écrasante, donc ce n’est pas de gaieté de cœur que les gens se jettent dessus. Mais il y a un ensemble de coutumes et de traditions qui font que, quelles que soient les difficultés, on arrive à trouver la solution.

Entretien réalisé et retranscrit par Boureima Dembélé