Fête de la musique au Burkina : A Fada, Dori et Ouahigouya, la fausse note de l’insécurité©ecodeau.org

Fête de la musique au Burkina : A Fada, Dori et Ouahigouya, la fausse note de l’insécurité

Dans les zones à fort défi sécuritaire, la fête de la musique célébrée ce 21 juin passe presqu’inaperçue. Les artistes de ces localités ont la nostalgie de cette période passée où la Journée était marquée par des concerts et des parades en parfaite communion avec les fans.

Plus de 50 ans de musique pour Empereur Bissongo. « Le papa des artistes », comme il est appelé affectueusement se rappelle les bons vieux souvenirs du 21-Juin quand la ville de Fada et ses environs étaient encore un havre de paix. Cette année, Empereur Bissongo qui continue de vivre sa passion malgré le poids de l’âge, n’a rien prévu. Comme un sage, il conseille plutôt aux plus jeunes de marquer l’événement en chantant des messages sur l’importance de la paix au Burkina et dans le monde et pour inviter ceux qui ont pris les armes contre la république à les déposer.

Une interpellation qui semble être entendue par le jeune artiste  Uncle Chack’Om, jeune artiste musicien. « La musique trouve sa place dans une région comme l’Est dans ce contexte. Elle prend tout son sens pour redonner de la joie, de l’espoir et du bonheur aux populations. Cette Journée est une belle occasion pour véhiculer des messages de paix, de quiétude, aux populations de Fada », dit-il, avec conviction.

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Soumaï Boly est promoteur culturel, manager d’artistes à Fada, capitale de la région de l’Est. Avec ses camarades, il n’entend pas rester en marge de la Journée qui les célèbre, ce, malgré le contexte délétère. « C’est une fête dans la résilience. Tous les artistes vont se retrouver en un seul lieu pour communier. L’idéal aurait été de le faire en un lieu public, mais les contraintes font qu’il y a moins  de partenaires », explique-t-il.

L’essentiel est de partager de bons moments avec le public, peu importe le cadre, estime pour sa part l’artiste Yembadou Thiombiano alias Saint James. Il dit avoir prévu de se rendre dans deux débits de boisson pour « donner de la voix  en vue de promouvoir la paix, améliorer la sécurité », note-t-il avant d’ajouter que ce n’est pas parce que le contexte sécuritaire de sa région et de sa province n’est pas favorable qu’il faut taire toute expression musicale. « On a des messages à passer à travers notre musique, c’est aussi notre effort de guerre pour apaiser les cœurs puisque  la musique adoucit les mœurs », clame le jeune artiste.

Les sons de résilience à Dori et Ouahigouya

Dans la capitale de la région du Nord, Ouahigouya, le quotidien est fait de l’afflux sans cesse des déplacés internes fuyant les groupes armés dans les villages. C’est avec peine que Savist, membre du groupe Wend Dabo auteur de trois albums observe ces scènes. Ce 21-Juin, son cœur n’est pas totalement à la fête. Il parle donc d’une « fête de musique dans la résilience ». Pour lui, cette 41e édition de la fête de la musique n’aura pas la même sonorité que celles passées. Comme pour dédramatiser, il soutient fêter la musique chaque jour et chaque fois qu’il «  compose, écoute une chanson, entend un instrument joué, une belle sonorité ».

Au Sahel, autre région touchée par l’insécurité depuis plusieurs années, c’est également une Journée qui passera avec peine pour des artistes qui auraient voulu célébrer comme leurs collègues d’ailleurs. « On avait coutume d’offrir un spectacle à l’occasion de cette Journée. Mais là, c’est vraiment difficile avec le problème sécuritaire c’est difficile d’organiser un spectacle en pleine ville de Dori présentement », regrette Issiaka Dicko, artiste instrumentiste.

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Selon Lankoandé abdoul karim, membre de la coordination régionale de la Culture, la fête la musique sera fêtée comme il se doit. Seulement elle le sera en différée à Dori. « Nous allons organiser une caravane dans la ville, une soirée de concert à l’air libre, et demander au public de contribuer à l’effort de guerre », promet-il.

C’est Jack Lang, ministre français de la Culture de 1981 à 1986 et de 1988 à 1993, qui lança la première édition de la fête de la musique en 1982. Mais l’idée serait inspirée d’une idée plus ancienne. En 1976, Joël Cohen, musicien américain qui travaillait alors sur une chaîne musicale, propose des « Saturnales de la Musique » le 21 juin et le 21 décembre – une programmation musicale spéciale diffusée toute la nuit, pour fêter en musique les deux solstices, l’été et l’hiver.

Studio Yafa